L’euro à l’âge de la maturité
Cette année, nous fêtons les 20 ans de la monnaie unique européenne. Après plusieurs périodes de turbulences, l’euro semble aujourd’hui accepté par une large majorité. C’est le résultat d’une grande étude menée par la Fondation Jean Jaurès. Explications avec son auteur.
Avec le lancement des billets et pièces en euros le 1er janvier 2002, la construction européenne est devenue une réalité quotidienne. 20 ans plus tard, si le maintien de cette monnaie unique est ancré pour la majorité des Français, le franc reste néanmoins présent pour un quart d’entre eux.
Théo Verdier, co-directeur de l’Observatoire Europe de la Fondation Jean-Jaurès et auteur cette année d’une étude avec l’Ifop sur « les Européens et l’euro » revient avec nous sur cette perception.
LE REGARD DES EUROPÉENS ET DES FRANÇAIS SUR L’EURO A-T-IL CHANGÉ DEPUIS SA CRÉATION ?
Dans nos porte-monnaie depuis le 1er janvier 2002, l’euro fête aujourd’hui ses 20 ans.
Théo Verdier, de la Fondation Jean Jaurès : On distingue trois périodes dans le rapport des Français et de l’Europe à l’euro. Il y a eu les premiers temps de réel enthousiasme qui ont duré jusqu’à 5-10 ans après le lancement de cette monnaie où l’idéal européen était très présent. Pendant cette période, les études montraient que seuls les pays du nord comme le Danemark et l’Allemagne se montraient plutôt réservés. Puis, avec la crise économique de 2008, les choses ont évolué et la défiance s’est installée et s’est même inversée.
C’est-à-dire que les pays du nord ont vu l’euro comme un gage de stabilité et ceux du sud l’ont ressenti comme quelque chose de contraignant. Aujourd’hui, on arrive à une sorte d’âge de la maturité où l’acceptation est plus globale. L’étude montre que 63 % des Français veulent conserver l’euro comme monnaie, alors qu’on est à 69 % au niveau européen. Pour beaucoup, c’est aussi cette monnaie unique qui a joué un rôle stabilisateur pendant la crise du Covid.
COMMENT CARACTÉRISER LES PRO ET LES ANTI EUROS ?
T.V. : On aurait pu penser que l’âge jouait un rôle important dans le regard porté à l’euro mais il n’en est rien. Ainsi en France, 74 % des 15-24 ans et 77 % des plus de 55 ans y sont favorables. Les différences se voient réellement selon les classes sociales et le niveau de revenus. 82 % des répondants des catégories aisées (> 2 500 €/mois) et 74 % de ceux appartenant à la classe moyenne supérieure (de 1 900 à 2 500 €) souhaitent conserver cette monnaie unique, contre 55 % et 47 % des deux catégories les plus modestes (< 900 € et de 900 à 1300 €).
LES FRANCS SONT-ILS POUR AUTANT COMPLÈTEMENT OUBLIÉS ?
T.V. : Non, loin de là. Aujourd’hui, l’étude nous montre que 27 % des Français continuent à raisonner en francs pour mieux évaluer les prix. Et là encore, ce n’est pas qu’une question d’âge puisqu’ils sont 34 % chez les 35-49 ans et seulement 26 % chez les plus de 65 ans. Il y a encore dans l’esprit de beaucoup un attachement et un rapport charnel à la monnaie et particulièrement aux francs.
CET ATTACHEMENT FORT PEUT-IL EXISTER AVEC L’EURO ?
T.V. : Je le crois, oui. Mais pour cela il faut remettre des figures familières sur les billets et les pièces. Il y a un besoin d’incarnation fort. Plus que le franc en tant que tel, notre nostalgie repose souvent sur les représentations fortes qui existaient sur les anciens billets, Le petit prince, Cézanne, ou plus anciennement Pascal. Malheureusement, la tendance est plus à une dématérialisation de la monnaie.
Théo Verdier est co-directeur de l’Observatoire Europe de la Fondation Jean-Jaurès.
Spécialisé en communication numérique des organisations publiques et privées, il est l’auteur de plusieurs études et rapports sur le traitement de l’actualité européenne et l’analyse du jeu politique de l’UE dans l’espace public français.
L’EURO EN TROIS QUESTIONS
Nous l’avons tous dans nos porte-monnaie mais le connaissons-nous vraiment ? Voici 3 infos incontournables sur l’euro.
1. Qui contrôle la monnaie européenne ?
C’est la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales des états membres qui en sont responsables. Elles forment l’Eurosystème. Les politiques fiscale, économique et budgétaire restent des compétences nationales. Elles sont encadrées par les règles de coordination de l’Union économique et monétaire (UEM).
2. Combien de pays utilisent l’euro ?
À ce jour, 19 états membres de l’Union européenne l’utilisent. Huit des vingt-sept États membres ne sont donc pas dans la zone euro, dont le Danemark et la Suède. Hors UE, d’autres pays s’en servent : Andorre, Monaco, Saint-Marin, le Vatican, le Monténégro et le Kosovo.
3. Qui fabrique les pièces et les billets ?
Ils sont produits par chaque pays de l’Eurosystème. La BCE fixe le nombre de coupures et de pièces à fabriquer en fonction des besoins. L’endroit où le billet a été imprimé est reconnaissable à la première lettre située devant les 10 chiffres au verso. La lettre U désigne par exemple l’imprimerie de la Banque de France.
LES DATES CLÉS DE LA MONNAIE EUROPÉENNE
Le 1er janvier 2002, l’euro remplaçait le franc et onze autres devises. En réalité, son histoire a commencé dix ans plus tôt…
1992 : signature du traité de Maastricht, fondateur de l’Union européenne. Il prévoit la création de l’Union économique et monétaire (UEM) et lance l’euro.
1998 : création de la Banque centrale européenne (BCE) et du Système européen des banques centrales. Objectif : faire converger les économies.
1999 : l’euro devient la monnaie unique de onze États membres.
2002 : les pièces et les billets sont mis en circulation.
2008 : la crise financière se transforme en crise souveraine dans la zone euro. Le déficit de la Grèce menace la stabilité du système.
2010 – 2011 : création du Mécanisme européen de stabilité (MES). Il fournit une aide financière aux états en difficulté et renforce l’euro.
Aujourd’hui, la monnaie est stable. C’est la deuxième monnaie mondiale, derrière le dollar et devant le yen.