Les experts-comptables pendant la crise :
« Collectivement, nous pouvons être fiers de nous »
Depuis le début de la crise sanitaire, les experts-comptables sont en première ligne pour accompagner leurs clients, dans une période difficile. Quel bilan tirer de ces derniers mois ? Quelles sont les perspectives pour la profession dans les années à venir ? Interview de Sophie Tesnière, membre du Club social de Normandie.
Sophie Tesnière est DRH du Cabinet SECNO, à Mont Saint Aignan (76). Elle anime le Club Social de la région Normandie depuis sa création en 1996.
Depuis le début de la crise sanitaire, les experts-comptables sont fortement sollicités par leurs clients. Comment avez-vous vécu 2020 puis 2021 ?
Sophie Tesnière : C’est surtout l’année 2020 qui a été une année particulière. Au début de la crise, nous avons observé un vent de panique chez nos clients, un stress intense et des difficultés d’organisation dans nos cabinets. Beaucoup de salariés étaient en télétravail et les textes changeaient tout le temps. Les premiers jours, nous avons surtout fait de l’accompagnement et du soutien psychologique. Il fallait avant tout rassurer les chefs d’entreprise. Puis nous avons mis en place les dispositifs de chômage partiel, les arrêts dérogatoires Covid, les gardes d’enfants malades... Les équipes paie ont alors été très sollicitées. Ensuite, nous avons déployé les Prêts garantis par l’Etat (PGE). Au deuxième confinement, nous étions déjà habitués et cela a été plus simple.
Les entreprises avaient besoin d’un accompagnement plus soutenu que d’habitude ?
S.T : Bien sûr et c’est normal en période de crise. Ce qui a été difficile également a été de gérer les demandes d’échelonnement de paiement de cotisations et toutes les aides COVID. Elles ont beaucoup impacté nos équipes comptables. C’est vrai que nous avons été confrontés à une multitude de textes, en très peu de temps.
Le Conseil supérieur de l’Ordre a-t-il joué un rôle particulier pendant cette période ?
S.T : Oui. Il a fait beaucoup de choses pour accompagner la profession. Par exemple, en diffusant des « Infos doc », des flash infos, des vidéos et des webinaires. Cela a été particulièrement utile pour les cabinets de petite taille, qui n’ont pas la chance d’avoir des équipes spécialisées. Et cela continue encore, bien sûr.
Diriez-vous que 2021 a été plus calme que 2020 ?
S.T : Oui car 2021 n’est que la continuité de la crise, finalement. Il y a moins de panique chez nos clients. La plupart ont reçu des aides et se portent bien. Dans l’ensemble, il y a peu de défaillances, ce qui explique que 2021 a été plus fluide. Toutefois, beaucoup d’entreprises connaissent actuellement des difficultés de recrutement. Nous les renseignons bien sûr sur les aides à l’embauche. A la rentrée, par exemple, nous avons été très sollicités sur les embauches de jeunes et les aides apprentis. Je note d’ailleurs qu’il y a souvent des effets d’annonce quant au fait que ces dispositifs sont faciles à mettre en œuvre, ce qui n’est pas toujours le cas. Les entreprises ont donc besoin de nous pour les accompagner.
Que retenez-vous du Congrès de l’Ordre des experts-comptables qui a lieu en octobre ?
S.T : Peut-être la reconnaissance des pouvoirs publics sur notre rôle pendant la crise, même si cette reconnaissance n’est pas nouvelle. Bruno Lemaire, le ministre de l’Economie, est intervenu pour nous remercier. Beaucoup de choses passent par nous en effet. Le déploiement de la DSN, par exemple, a été un gros chantier. En ce moment, nous sommes très occupés par la gestion de la prime inflation de 100 €… Au début de la crise, on a beaucoup mis en avant les métiers de première ligne. Les experts-comptables et leurs équipes paie en ont fait partie eux-aussi, d’une certaine manière. Nous avons un rôle important à jouer et les pouvoirs publics comptent de plus en plus sur nous.
Comment voyez-vous la profession dans les années à venir ?
S.T : Le métier va évoluer. On parle beaucoup de la facturation électronique et de la gestion automatique des données par exemple. Mais notre rôle de conseil demeurera. Ce qui va changer, c’est que nous aurons de nouveaux outils, de nouveaux logiciels. Les opérations de tenue de comptabilité s’en trouveront facilitées. Il nous faudra intégrer des informaticiens dans nos équipes. Mais le rôle de conseil privilégié du chef d’entreprise, nous l’aurons toujours.
Justement, la facturation électronique est-elle en bonne voie ?
S.T : Oui, c’est l’un de nos chantiers. Elle sera progressivement obligatoire pour toutes les entreprises entre 2024 et 2026. Cela nécessitera un accompagnement fort de notre part vis-à-vis des dirigeants d’entreprises. De cette obligation va découler le fait de pouvoir automatiser beaucoup de choses.
Comment se passe votre collaboration avec PRO BTP ?
S.T : En tant que dirigeante d’un cabinet d’experts-comptables, je peux dire que nous avons de très bons échanges avec PRO BTP. Quand il y a une création d’entreprise dans le Bâtiment ou la construction, nous travaillons ensemble, de manière très étroite. Et puis, PRO BTP a mis en place depuis longtemps un certain nombre d’outils qui aident les experts-comptables. La proximité géographique est aussi un atout. Nous rencontrons régulièrement les conseillers, nous avons des interlocuteurs dédiés et nous pouvons les joindre facilement. Quand nous avons une question technique, nous obtenons la réponse rapidement. Et sur certains dossiers communs, nous pouvons demander une intervention auprès du client. C’est donc plus facile pour nous.
Un mot pour conclure ?
S.T : Oui. Je m’aperçois que nous avons tous bien géré cette période. Les experts-comptables se sont mobilisés et ont aidé les entreprises à passer un cap difficile. Nos collaborateurs se sont beaucoup investis et ont tenu le coup. Collectivement, nous pouvons être fiers de nous ! Mais il nous faut être attentifs à la situation des cabinets et des équipes. Beaucoup ont des difficultés de recrutement et les équipes sont toujours très chargées.